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Séminaire – H&P Bio
October 19, 2023 @ 10h30 - 12h00
« Gradualisme et variations insensibles : un débat oublié du darwinisme », Mathilde Tahar – (Université de Lille)
Abstract:
Au tournant du XXe siècle, apparaît régulièrement sous la plume des évolutionnistes l’expression de « variations insensibles ». Cette expression sert à désigner les différences individuelles sur lesquelles agirait la sélection naturelle, dans le cadre de la théorie darwinienne. Le plus souvent, l’expression apparaît dans le cadre d’une réfutation de la théorie de l’évolution par sélection naturelle, et sert à en dénoncer les confusions.
Cette étrange interprétation de la théorie de Darwin vise en effet son gradualisme, vivement débattu dès la première publication de L’Origine des espèces et ce, jusqu’aux années 1930 — l’avènement de la Synthèse moderne. La critique est la suivante : puisque les variations individuelles sont infinitésimales et donc insensibles (c’est-à-dire neutres du point de vue de la survie), elles ne sauraient, par définition, être sélectionnées. Il y aurait donc un cercle fondamental dans la théorie de l’évolution par sélection naturelle : cette théorie donnerait tout le pouvoir de transformation et d’adaptation à la sélection plutôt qu’à son matériau (insensible), et pourtant, il faut bien, pour être sélectionnée, que la variation procure un avantage sensible à celui qui la porte.
Cette critique du darwinisme est très populaire au début du XXe siècle et apparaît jusque sous la plume d’Henri Bergson qui parle de la théorie darwinienne comme de « la théorie des variations insensibles » (L’Evolution créatrice). Mais cette critique, qui repose sur plusieurs confusions concernant la théorie de Darwin, est protéiforme : elle se déploie en plusieurs objections distinctes en fonction des auteurs, objections qui ont plus ont moins de validité et de pertinence étant donné la structure épistémique de la théorie darwinienne.
Ma présentation retracera l’histoire de cette critique, de la publication de L’Origine des espèces à sa reprise dans L’Evolution créatrice, afin de clarifier ses présupposés conceptuels et surtout d’évaluer les éventuels défis qu’elle a posés à la théorie darwinienne.
Lieu : 646A (Mondrian) bâtiment Condorcet