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Séminaire – H&P Bio
December 14, 2023 @ 10h30 - 12h00
« Généalogie et enjeux de l’héritabilité. Ronald Fisher, l’eugénisme et l’analyse de la variance », Luc Berlivet – (CNRS, Cermes 3)
Résumé :
Les discussions et controverses concernant le niveau « d’héritabilité » supposé de tel ou tel trait constituent aujourd’hui encore l’une des principales modalités du débat public concernant ce que l’on a pu appeler le déterminisme biologique. Cf. par exemple, la réception extrêmement positive par certains médias, en France y compris, de généticiens du comportement venus de la psychologie ou des sciences cognitives (voir notamment les nombreuses pages consacrées par L’Express, Le Point et Le Figaro à la parution successive, au printemps 2023, des traductions françaises d’ouvrages de Robert Plomin et de Kathryn Page Harden). L’importance politique qu’a prise la notion, moins évidente qu’il n’y paraît, d’héritabilité au cours du siècle passé tient à son caractère central dans les travaux scientifiques visant à évaluer précisément le rôle spécifique/relatif de l’hérédité et de l’environnement. Si l’héritabilité a fait l’objet d’usages intensifs en génétique animale, cette notion trouve néanmoins son origine dans une série de débats concernant le « poids » de l’hérédité dans l’espèce humaine. Son calcul repose en effet sur une approche développée par R.A. Fisher dans un article parmi les plus cités de la littérature scientifique : « The Correlation Between Relatives on the Supposition of Mendelian Inheritance », in Transactions of the Royal Society of Edinburgh, vol. 52 (part 2), 1918-19, p. 399-433. L’objet de mon intervention sera de reconstituer les circonstances ayant entouré la préparation, l’écriture et la publication de ce texte, ainsi que certains de ses usages scientifiques et politiques. J’aurais ainsi l’occasion de revenir sur l’engagement eugéniste de Fisher, qui a récemment fait l’objet de nombreux commentaires publics et de mobilisations politiques. J’évoquerai également les réflexions collectives amorcées dès 2018 par un collectif français de chercheurs en biologie, biomédecine et sciences sociales, visant à amorcer une discussion publique, dans les arènes scientifiques et au-delà, concernant les différents présupposés et biais associés au « modèle de Fisher » et à « l’héritabilité ».
Lieu : salle 646A (Mondrian) – bâtiment Condorcet