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Séminaire – Doctoral Interdisciplinaire d’histoire et philosophie des Sciences (DISc )
janvier 18 @ 15h00 - 19h00
Questions d’épistémologie et histoire de la médecine ancienne
Théophile RICHARD
Les entités théoriques de nos théories existent-elles au même titre que les objets du quotidien ?
Résumé :
Le but de cette présentation est de poser la question du type d’existence qu’il convient de reconnaître aux entités, ou aux mécanismes, postulés par des théories abstraites. En partant de la discussion menée par Vuillemin des positions de Duhem et de Quine, nous aimerions montrer que la notion d’existence, ou d’explication, que requièrent nos théories a partie liée avec la notion d’échelle, et n’a donc pas un sens absolu.
Liqiong YANG
La relation entre l’environnement et la maladie dans les médecines grecque et chinoise anciennes : une étude comparative entre le Corpus Hippocratique et le Canon Interne de l’Empereur Jaune
Résumé :
Le Corpus Hippocratique et le Canon Interne de l’Empereur Jaune sont des ouvrages classiques respectivement associés à la médecine grecque et chinoise anciennes, chacun abordant la question des relations entre le corps humain et l’univers (microcosme/macrocosme). Dans les années 1930, le célèbre praticien de la Médecine Traditionnelle Chinoise, Fan Xingzhun, a avancé l’idée, basée sur des comparaisons textuelles, que les théories des « Cinq Mouvements et des Six Qi » (五运六气, wu yun liu Qi) du Canon Interne de l’Empereur Jaune avaient été influencées par le Corpus Hippocratique. Ce qui suscite particulièrement notre intérêt est de déterminer si les théories cruciales relatives à l’environnement et à la maladie dans le Canon Interne de l’Empereur Jaune ont été impactées par le Corpus Hippocratique. Cela nous amène à poser deux questions fondamentales : quelle méthodologie sous-tend la comparaison entre la médecine grecque ancienne et la médecine chinoise ? Quelles sont les similitudes et les différences entre le Corpus Hippocratique et le Canon Interne de l’Empereur Jaune, en mettant particulièrement l’accent sur la relation entre l’environnement et la maladie ? En se basant sur le canon original et en prenant en compte les nuances des différences inhérentes à chaque œuvre classique, la relation entre l’environnement et la maladie peut être analysée à partir de plusieurs domaines clés. En conclusion, bien qu’il existe des similitudes entre la théorie des « Cinq Mouvements et des Six Qi » (五运六气, wu yun liu Qi) dans le Canon Interne de l’Empereur Jaune et la notion concernant l’environnement et la maladie dans le Corpus Hippocratique, rien ne permet de conclure à une influence directe.
Marie BOENO
Le paradigme émancipatoire de Mike Oliver : une injonction politico-éthique au détriment des exigences épistémologiques ?
Résumé :
La recherche dans le champ du handicap tente d’articuler témoignages, savoirs d’expériences des personnes en situation, vécus – individuels et collectifs -, théories bio-médico- sociales et pratiques issues de la clinique. Il s’agit de renouveler les catégories de ce qui peut être objet de recherche, les thématiques et les positionnements des agents épistémiques. Généralement interdisciplinaires, les « recherches participatives » ou « recherches-action » au sein desquelles la participation des personnes handicapées est revendiquée, ont tendance à devenir une condition sine qua non aux appels à projet. Néanmoins, celles-ci relèves-t-elles d’une injonction politico-éthique ou véritablement épistémologique ? Il est souvent difficile de le déterminer. Empiriquement, les conditions de justifications des savoirs d’expériences, les conditions matérielles de production de la recherche et les relations sociales dans le cadre de la co-construction ne sont l’objet d’aucune normativité. Théoriquement, les cadres épistémologiques sont confus ou sont inappropriés.
Mike Oliver était un sociologue britannique. Il se qualifiait lui-même d’activiste pour le droit des personnes handicapées. Il fut le premier titulaire de la chaire des Disability Studies au monde (Université de Greenwich). Ses thèses tendent à établir un constat d’échec au sujet de l’exclusivité des réponses médicales, ré-éducationnelles et de normalisation du Handicap. Cet état de faits le sociologue le fonde d’abord dans ses expériences de personne à mobilité réduite, ensuite en tant que travailleur social auprès des personnes handicapées, enfin au sein de ces travaux de sociologie. D’après lui, les approches dites bio-médicales et ré-éducationnelles, les politiques sociales qui en découlent, transforment l’expérience des personnes. Elles sont responsables des processus d’oppression dont souffrent les personnes handicapées. La sociologie du Handicap que Mike Oliver soutient est explicitement une posture politique : « the personal is political1 ». Du point de vue empirique, il clamait une transformation radicale des modes de production de la recherche dans le domaine des handicaps. Symétrie ou réciprocité dans les relations sociales de production de la recherche, contrôle des conditions matérielles de production de la recherche par les personnes et/ou associations de personnes handicapées. Au détriment de l’objectivité scientifique, il s’agit de passer d’une recherche qu’il juge aliénante, violente, oppressante pour les personnes à une recherche engagée dite « partisane ». D’un paradigme épistémologique « individualiste » et « fondationnaliste » à un paradigme dit « émancipatoire » sous-tendu par une approche sociale du handicap laquelle souligne la part de causalité, si ce n’est plus importante au moins équivalente, des handicaps aux phénomènes sociaux, collectifs, approche venue compléter et non supplanter les analyses individualistes traditionnelles des approches bio-médicales et fonctionnelles.
Notre travail mettra en exergue que l’approche de Oliver n’est pas une posture matérialiste dogmatique, « dure », comme a pu lui reprocher Tom Shakespeare2, mais au contraire qu’elle est un « outil » inabouti à parfaire et qu’il en va de même pour sa proposition de paradigme émancipatoire. Il sait les limites de l’approche matérialiste du handicap et parle bien de croiser approche sociale et approche individualiste. Ses thèses sont présentées comme « un marteau3 » qui dénonce, identifie et détruit des pratiques de recherche violentes et indignes pour les personnes handicapées et dont les résultats ne sont adaptés ni aux besoins des personnes ni à l’urgence des changements sociaux.
Dans cette communication, nous proposons de présenter dans une première partie l’état de l’art dans le champ du handicap, le contexte d’émergence des Disability Studies anglo-saxonnes et le paradigme émancipatoire de Mike Oliver. En seconde partie, nous discuterons de la valeur heuristique et des risques épistémologiques et éthiques que les thèses de Oliver présentent. Enfin, nous conclurons en exposant l’état de nos recherches pour tenter de fonder un paradigme émancipatoire sur une proposition d’épistémologie renouvelée, vertueuse.